Parce qu'il n'y a qu'un seul Raymond Tachmol
--> et que c'est moi
Ce matin, je m'éveillai tranquillement dans la clarté diffuse du petit matin québecois au son des vaches qui broutent la campagne au rythme des oies sauvages qui franchissent l'espace d'un battement d'ailes, comme d'autres prennent leur petit déjeuner à la chicorée au doux gazouilli des métros qui s'enfoncent dans la brume opaque des villes que la pollution des humains a rendues hermétiques à la fierté sauvage de la nature débridée.
Alors que je me rasais les dents pour éloigner rituellement comme chaque matin le souvenir pâteux d'une nuit torride contre le corps allangui d'un être exquis aux boucles blondes en cascades sur ses épaules frêles, j'écoutais d'un demi cerveau gauche distrait les informations sur l'holovision portable de la salle de bain, lorsque le nom d'un chroniqueur sportif m'assaillit l'esprit, comme un barbare en armes, de nombreux siècles avant nous, aurait surpris en hurlant le repos mérité d'une famille tranquille au coin d'un feu de camp.
Je commandai aussitôt à l'appareil un retour en arrière rapide sur la chronique en cours pour confirmer une seconde fois à mon inconscient incrédule l'incroyable nouvelle terriblement inattendue. Là, sous mes yeux ébahis, un chroniqueur du dimanche - alors que nous étions un mardi, le sot ! - osait prétendre être le fils spirituel de Raymond Tachmol.
Comment décrire à vos esprits simples, mes petits oisillons, les sentiments mélés et paradoxaux qui commencèrent à se disputer dans ma tête la conviction que l'humanité béate venait de franchir un cap irréversible dans l'histoire du journalisme moderne ?
A l'instant où l'holovision confirmait mon accession officielle à la suprême récompense: être suivi par des disciples admiratifs et aimants, buvant mes écrits comme un nectar divin, tel un maître aimant et aimé dispensant son savoir avec une générosité bienveillante; à cet instant donc je découvrais que nul n'avait songé à m'informer de l'existence de ce fan club des professionnels du métier qui souhaitaient me faire enfin comprendre qu'à leurs yeux j'étais le meilleurs et qu'ils l'avaient compris. Enfin l'existence de la race humaine prenait un sens.
Et pourtant, comment un journaliste, pas même identifié nommément, pouvait-il usurper de la sorte mon nom sans qu'en aucune façon je ne lui ai permi de déroger à l'article 749 bis alinéa 2 du code planétaire sur la propriété personnelle des biens immatériels ? Mon sang ne fit qu'un tour.
Il est donc vraiment temps que je reprenne la plume d'une main ferme et décidée qu'aucune monstruosité du monde sportif cruel et sans pitié que j'ai tant de fois bravé ne pourra faire trembler lorsque j'écrirai ces mots tant de fois ressassés: Raymond Tachmol is back est là perd ses cheveux est passé par ici revient par là devrait être de retour pense à revenir c'est moi.
Il faut que j'établisse un plan de bataille - et que je finisse mon puzzle de 1500 pièces. Enfilant mon pardessus imperméable à capuche bien pratique lorsqu'on doit aller batifoler dehors et que les nuages ont décidé de vous rappeler leur existence sans vergogne, je franchis d'un pas décidé et droit la porte de ma chaumière et pars acheter les croissants. Je pense mieux l'estomac plein.
Il faut que je démasque l'imposteur pour lui faire avouer toute la villénie de son crime de lèse-moi. On ne tente pas impunément de copier l'inimitable signature infalsifiable d'un grand nom comme le mien. Raymond Tachmol est le seul Raymond Tachmol, et personne d'autre n'est Raymond Tachmol (forcément, puisque c'est moi Raymond Tachmol).
Je prend l'avion dès que j'arrive à l'aéroport et m'envole pour ce que je sens être la tannière glauque de cet imposteur poilu. Restez à l'écoute de votre journal préféré mes petits oisillons, je reviens sous peu avec les détails du démasquage public de ce vil individu.
Votre dévoué,
Raymond Tachmol
Ecrit par Raymond Tachmol, le Dimanche 22 Mai 2005, 19:22 dans la rubrique "Nouvelles neuves".